Le groupe Manushan, musiciens iraniens de Jazz Manouche, loin de leur pays, ils jouent et chantent un chant de l’interdit et de l’exil.

Installé en France depuis novembre 2015, le groupe iranien sera en concert à Strasbourg le 13 mars prochain pour l’inauguration la quinzaine culturelle iranienne. le 20 janvier dernier Aida et Babak Moshaber ont sorti un nouvel album intitulé « Manushan », ils ont présenté leur dernier opus lors du festival « au fils des voix » en janvier dernier.

Une voix rauque et un regard de braise. Impossible de ne pas ressentir la passion chez Aïda Nosrat . La jeune femme d’une trentaine d’années vous accueille dans son petit studio de la banlieue parisienne, havre de paix décoré à l’iranienne au milieu d’un jardin luxuriant. Dans le coin, Babak Amir Mobasher, son acolyte musical et mari dans la vie, penché sur sa guitare, est en train de parfaire des accords. Un couple qui s’est rencontré grâce à la musique gitane. Celle du film « Gadjo Dilo » de Tony Gatlif .En est née la passion pour la musique gypsy.

« C’est une musique qui crie la peur et la douleur d’un peuple qui a mal à son âme. » *

Une musique qui a résonné pour ces deux musiciens. elle vient du classique . Elle est violoniste professionnelle. Lui passionné par la guitare. C’est cette sonorité qu’ils choisiront. Avec en plus le chant. car pour Aïda, la voix « c’est ma liberté. Au fond, c’est plus que ça … » Un cri du cœur . Un cri qui vient de loin. Comme celui de ces femmes gitanes. Un cri qui efface l’interdit. car en Iran, les chanteuses ne sont pas autorisées à se produire en soliste sur scène, au mieux en duo ou dans un chœur. L’arrivée au pouvoir du président modéré Hassen Rohani en 2013 n’a rien changé.

La goutte qui a fait déborder le vase

Quelques mois avant leur départ pour la France en 2015, une amie du couple a été traînée en justice pour avoir osé chanter en solo dans un clip vidéo. Pas question de vivre la même humiliation. Car Aïda sait de quoi il en retourne. Violoniste dans l’orchestre symphonique de Téhéran, elle fut renvoyée à 17 ans avec une dizaine d’autres membres de la formation, après une tournée en Allemagne. Raison invoquée : « comportements non islamistes ». L’Iran venait de découvrir la main de fer du tout nouveau président, l’ ultra conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

Un visa « Compétences et talents »

Pouvoir chanter, sans risquer la prison. C’est le seul souhait d’ Aïda. Un souhait qui sera exaucé grâce à l’obtention d’un visa pour la France. Aida et Babak arrivent en novembre 2015 à Paris. Le début pour eux de concerts- guitare, violon, voix dans la capitale française. Depuis la parution de leur opus, « Manushan » la voix d’Aida résonne aussi sous le manteau à Téhéran. « Un ami à moi m’a appelé pour me dire que notre cd passait dans un café et qu’on entendait ma voix, j’en ai pleuré de joie » avoue-t-elle. Pouvoir retourner un jour au pays fait partie de ses rêves. Mais à une condition : qu’elle puisse chanter seule sur scène accompagnée par son talentueux guitariste de mari !

Sophie Rosenzweig
* Tony Gatlif
2017-10-13T11:11:41+00:00
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